Les per- et polyfluoroalkylées (Pfas) polluent les eaux du Rhône en aval immédiat de Pierre-Bénite et de Givors, au sud de Lyon. Arkéma et Daikin, deux géants de la chimie, sont soupçonnés d’en être responsables. Des actions judiciaires ont été lancées. Les pêcheurs professionnels en eau douce veulent s’y faire entendre et faire valoir leurs droits en cas de préjudices avérés.
À peine, l’émission de télévision, Envoyé spécial, révélait-elle, au printemps 2022, l’étendue de la pollution des eaux du Rhône, à hauteur de Pierre-Bénite, aux per- et polyfluoroalkylées (Pfas), qu’Arkéma, géant de la chimie, l’une des deux grandes entreprises mises en cause, commandait, en contre-feu, à la presse régionale, un publi-reportage pour vanter ses travaux de recherche et ses découvertes. Une chimie au service des « progrès » de l’humanité, en somme, tenait à rappeler le groupe au chiffre d’affaires, en 2022, de quelque 11,5 milliards d’euros.
Fin 2023, un collectif regroupant une trentaine de communes et de collectivités territoriales de la vallée du Rhône au sud de Pierre-Bénite, et des associations de pêcheurs professionnels et de loisir portait plainte contre x auprès du procureur de la République du tribunal judiciaire de Lyon. Étaient évoquées comme éventuelles qualifications pénales : la mise en danger de la vie d’autrui, les délits spécifiques aux substances et aux préparations chimiques, le délit d’écocide et la pollution des eaux souterraines et de surface.
Plainte collective
« Depuis une quinzaine d’années, plus aucun pêcheur professionnel en eau douce n’exerce sur ce secteur du Rhône, en aval immédiat de Pierre-Bénite et de Givors, au sud de Lyon, où des analyses des services sanitaires de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dréal) Rhône-Alpes ont mis en évidence la contamination aux perfluorés des gardons, goujons, silures, perches, barbeaux, brochets et sandres. Mais il était essentiel, pour anticiper d’éventuelles répercussions de cette pollution sur nos activités de pêche et faire alors valoir nos droits dans le cas d’un préjudice avéré, que notre association soit, dès l’origine, partie prenante de cette procédure judiciaire. Et d’ores et déjà, un préjudice moral existe, puisque dans les jours suivant la diffusion des premières révélations, nous avons déjà eu a répondre aux questions de clients sur la consommation de nos poissons » explique Florestan Giroud, vice-président de l’association des pêcheurs professionnels en eau douce de la Saône, du Haut-Rhône et du Doubs.
Urgence
En juillet prochain, ce même tribunal judiciaire de Lyon, saisi en urgence par la métropole lyonnaise, cette fois-ci, dira s’il est nécessaire de réaliser des analyses Pfas pour déterminer les responsabilités d’Arkéma et de Daikin, autre multinationale, japonaise elle, de la chimie, dans une zone de captage des eaux alimentant, pour partie, en eau potable, le territoire de la collectivité. Mais, depuis 2020, les autorités de santé ont, sur la foi d’analyses montrant des rejets dans l’air et les eaux supérieurs aux normes autorisées, rappelé aux deux entreprises leurs obligations de se conformer aux réglementations environnementales. Sans trop de succès, semble-t-il.
Vices
Les industriels de la chimie louent aux grands dieux les propriétés hydrofuges, antiadhésives, anti-graisses, anti-salissures de ces per- et polyfluoroalkylées omniprésents dans les objets du quotidien et autres produits industriels. Ces composés de synthèse organofluorés ne sont finalement pas si différents des polychlorobiphényles (PCB), aux propriétés peu ou prou identiques, longtemps omniprésents eux aussi, responsables également de pollutions des eaux de nombreuses rivières et fleuves. Pollution révélée, au milieu des années 2000, notamment par un pêcheur professionnel du Rhône, et provoquant des interdictions de pêche sur certains secteurs du réseau hydrographique hexagonal exploités par des pêcheurs professionnels en eau douce.
Fin mai 2024, le Sénat adoptait une loi interdisant l’utilisation des Pfas, en excluant toutefois certains. Mais en 2019, le programme national de bio-surveillance Esteban révélait que « 100 % de la population française, adultes et enfant, étaient contaminées aux Pfas », volontiers qualifiés de « polluants éternels ».