Sentiment d’injustice
La pêche professionnelle en eau douce est, depuis 2019, prise dans les mailles de la justice administrative. 26 recours sont en cours, dont 23 déposés, tout ou partie, par l’association Défense des milieux aquatiques (DMA), 7 sur le bassin de la Gironde-Garonne-Dordogne, 10 sur celui de l’Adour, 5 sur le bassin Loire-Bretagne et 1 sur le Rhône.
Dernière décision en date, le 18 juin, l’annulation par le tribunal administratif de Besançon, à la requête de deux associations de pêcheurs de loisir du Jura, de l’arrêté du préfet, de juin 2022, approuvant, dans le cadre du renouvellement des baux de pêche de l’État sur le domaine fluvial, le cahier des charges pour l’exploitation du droit de pêche dans le Jura. Motif de l’annulation : la décision préfectorale ouvre, sous-entendu « inconsidérément », à la pêche aux engins et filets professionnels cinq lots sur le Doubs navigable. Une restriction sur la seule foi de deux études, de 2013 et 2016, des fédérations de pêcheurs de loisir du Jura et de Saône-et-Loire, concluant à une baisse des ressources piscicoles. Les données de captures, obligation légale rappelons-le, des pêcheurs exerçant sur ces lots ne montrent nullement une telle dégradation. On ne sait si la préfecture fera appel du jugement. En attendant, deux pêcheurs professionnels, dont l’un est également restaurateur et met à ses menus les poissons qu’il pêche, ont cessé d’exploiter deux de leurs lots concernés par le jugement. Des décisions de justice qui, quand elles sont défavorables, suscitent toujours un sentiment de profonde injustice, au regard du microcosme qu’est la pêche professionnelle en eau douce, de ses pratiques de gestion raisonnable des ressources pour en assurer sa pérennité.
Action
Dans le cadre du Plan national actions migrateurs (PNMA), le Conapped « copilote » avec le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), l’action intitulée « amélioration des déclarations de captures des pêcheurs professionnels en eau continentale et en mer afin de renforcer les connaissances sur les pêcheries ». Le groupe de travail s’est félicité de l’implication du Conapped, chargé de présenter cette action lors du comité de pilotage du PNMA qui se tiendra à Rennes le 4 juillet.
Dramatique
« Je ne veux pas en perdre un autre. C’est un drame humain, ce qui se passe ici en Gironde. S’il y en a un qui pète un câble, on ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenus » lâche avec émotion Sabine Durand, membre du conseil d’administration du Conapped. Début 2024, un de « ses » pêcheurs girondins se suicidait. Impossible pour lui, à 57 ans, de faire face aux interdictions de pêche imposées par des décisions de justice successives, de renoncer à un métier qu’il exerçait depuis peu, mais avec passion.
« Il ne va pas nous rester grand-chose à pêcher. Nos pêcheurs n’existeront bientôt plus » complète Anthony Vignac, président de l’association des pêcheurs professionnels en eau douce de Gironde. « On ne survivra pas à une année supplémentaire sans lamproies. Ce sont 30 entreprises de pêche qui vont disparaître. On va perdre toute la valeur, la valorisation de nos entreprises » ajoute Sabine Durand. La situation est d’autant plus dramatique que nul plan de cessation d’activité ou autre potentielle compensation financière à des arrêts de pêche contraints forcés, ne pointent à l’horizon pour les pêcheurs fluviaux.
Exotique
Nouvelle espèce invasive en perspective ? Mi-juin, le préfet de l’Ain autorisait, pour des « raisons économiques », trois pisciculteurs de la Dombes à élever des crevettes Macrobrachium Rosenbergii, « gambas » d’eaux saumâtres, originaires d’Asie. Les exemples d’échappements ou de déversements d’espèces exotiques qui finissent par proliférer et perturber les milieux aquatiques autochtones ne manquent pas.
Régulation
La communauté d’agglomération de Vesoul (Haute-Saône) souhaite poursuivre les pêches exceptionnelles de régulation des poissons fouisseurs du lac de Vesoul-Vaivre, recommandées par le bureau d’études Aquagestion, et dont le Conapped assure la supervision. Un nouvel appel d’offre sera lancé prochainement pour une nouvelle période de trois ans. Depuis 2016, 28,5 tonnes de poissons fouisseurs ont été retirées dont 14,6 tonnes de silures, 7 tonnes de carpes, remises vivantes à la fédération des pêcheurs de loisir de Haute-Saône, 5,2 tonnes de brèmes et 1,3 tonne de carassins. « Ces pêches conjuguées à du faucardage des plantes aquatiques invasives qui ont envahi le lac depuis trois ans, 350 tonnes en 2023, ont permis d’éviter les épisodes de cyanobactéries toxiques. Ce sont les seules opérations envisageables pour éviter un assec du lac dont ne veut pas entendre parler la communauté d’agglomération de Vesoul en raison de son potentiel impact économique, des odeurs, du mécontentement prévisible des usagers et des habitants… La fédération de pêche de Haute-Saône est plutôt favorable à ces pêches exceptionnelles, dont la régulation du silure. L’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique de Vesoul y est, elle, opposée, prétextant une fuite des adhérents. Elle demande en contrepartie un nouvel empoissonnement en carnassiers, à la charge de la communauté d’agglomération qui s’interroge sur son utilité, compte tenu notamment de la forte densité de silures » explique Nicolas Stolzenberg, chargé de mission au Conapped.
Bilan
Il pouvait se pêcher, cette saison, 65 tonnes de civelles. Les marins pêcheurs en ont capturé 43,8 tonnes sur le quota de 56,550 tonnes qui leur était alloué. Les fluviaux en pêchaient, eux, 8,120 tonnes sur les 8,450 tonnes de leur quota. Un total de captures, donc, de près de 52 tonnes légèrement supérieur à la saison 2022-2023, et dans la moyenne des dix dernières saisons. « Malgré des captures à la hausse, liées à une forte abondance en civelles constatée sur une majorité de bassins, la saison 2023-2024 a été marquée par des difficultés dans la réalisation du sous-quota de repeuplement. Les mareyeurs n’ont pas été en mesure d’acheter toutes les captures débarquées par les pêcheurs professionnels et certains se sont retrouvés cloués à quai. Cette situation serait due à une demande européenne en civelles de repeuplement moins importante dont les raisons ne sont pas toujours connues (volontés politiques, financements manquants … ?) » indique Valentin Lonni, chargé de mission espèces amphihalines au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et au Comité national de la pêche professionnelle en eau douce (Conapped).
Critères
L’affichage environnemental, système de notation de l’impact environnemental de tous les produits alimentaires, dont les poissons d’eau douce sauvages, avec l’objectif de promouvoir des filières et des produits plus vertueux dans une démarche pédagogique pour les producteurs et les consommateurs, ne devrait finalement être exigé que fin 2025, un an après la date-butoir annoncée. En attendant, réuni début juin, le groupe de travail, regroupant, sous la direction du bureau de l’aquaculture, le Conapped, les professionnels de l’aquaculture et de la pêche à pied, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le conseil général au développement durable et l’Inrae, envisage de mutualiser la mise en place de cet affichage en désignant un porteur de projet commun avec une vision globale des différentes filières, dont le travail serait financé par l’Ademe ou le fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa).
Pour la pêche professionnelle en eau douce, dont la spécificité est l’exploitation d’espèces sauvages, il est envisagé de commencer par un modèle simple « poisson pêché en eau douce » regroupant les diverses poissons de cette catégorie. Prochaine réunion en septembre.