En juin dernier, la justice administrative annulait des droits de pêche professionnelle sur le Doubs navigable dans le Jura.
Aucun des arguments avancés par les deux associations de pêcheurs de loisir du Jura, La gaule du Bas Jura et Fraisans-Ranchot-Dampierre, ne justifie l’annulation du cahier des charges pour l’exploitation des droits de pêche de cinq lots sur le Doubs navigable. Ainsi le rapporteur public concluait-il l’audience du tribunal administratif de Besançon, le 28 mai 2024. « Je propose que vous rejetiez la requête » lançait-il à l’attention des trois magistrats en charge de rendre le jugement. « Il convient ainsi de concilier la pêche de loisir et la pêche professionnelle avec un objectif de gestion durable de la ressource piscicole, par l’encadrement des pratiques de pêche. C’est effectivement l’objectif poursuivi par le cahier des charges de l’arrêté en litige, qui limite la pêche professionnelle à cinq lots sur le Doubs navigable […] afin notamment de préserver la reproduction des espèces […]. En outre, les éléments produits au dossier nous paraissent insuffisants pour établir, […] l’existence d’un risque de dommage grave et irréversible pour la préservation du milieu aquatique » argumentait préalablement le rapporteur public.
Contre-pied
Les services de la préfecture du Jura pouvaient quitter le tribunal confiants sur l’issue du jugement d’autant que, d’expérience, dans peu ou prou neuf affaires sur dix, le jugement se conforme aux conclusions du rapporteur public. Las, patatras !
Le 18 juin 2024, le tribunal administratif de Besançon annulait l’arrêté du préfet, de juin 2022, approuvant, dans le cadre du renouvellement des baux de pêche de l’État sur le domaine fluvial, le cahier des charges pour l’exploitation du droit de pêche dans le Jura. Motif de l’annulation : la décision préfectorale ouvre, sous-entendu « inconsidérément », à la pêche aux engins et filets professionnels cinq lots sur le Doubs navigable. Une restriction sur la foi de deux vieilles études, de 2013 et 2016, des fédérations de pêcheurs de loisir du Jura et de Saône-et-Loire, concluant à une baisse des ressources piscicoles liée… à la dégradation de la rivière.
Croche-pied
« C’est un jugement à la levée. Il n’y a pas eu de comptages. Depuis que j’exploite, ces lots, depuis 2023, j’ai toujours bien pêché, silures, brochets, carpes, sandres, brèmes, ablettes, des espèces que je cuisine dans mon restaurant, Chez Gervais, en bord de Loue, à Chenecy-Buillon dans le Doubs. » précise Jean-Claude Walter, « 50 balais », chef cuisinier au curriculum vitæ étoilé Michelin, et l’un des deux pêcheurs professionnels touchés par ce croche-pied judiciaire.
La préfecture du Jura a fait appel de la décision, affaire que la cour administrative d’appel de Nancy ne devrait pas évoquer avant 2026. « Le ministère de la Transition écologique, l’Office français de la biodiversité et la direction départementale des territoires du Jura nous soutiennent » précise Nicolas Perrin, président de l’association des pêcheurs professionnels en eau douce du Doubs, de la Saône et du Haut-Rhône qui n’avait pas été informée de la procédure des pêcheurs de loisir alors que les secteurs concernés par la demande d’annulation étaient exploités par des pêcheurs professionnels. « J’ai arrêté la pêche » souffle Jean-Claude Walter. En attendant, sur les lots interdits aux professionnels, les pêcheurs de loisir continuent, eux, de taquiner le goujon.