En 2017, Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, et sa secrétaire d’État, Barbara Pompili, lançaient, en grandes pompes, la stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes, plan inscrit dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020. En ce mois de mars 2022, Bérangère Abba, secrétaire d’État de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, lançait son plan d’action sur les voies d’introduction et de propagation des espèces exotiques envahissantes, programme inscrit dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité 2020-2030. Entretien avec François Delaquaize, chargé de mission au ministère de la Transition écologique.
Quels sont les éléments, les éventuels nouveaux constats, qui ont conduit à l’élaboration de ce programme ?
Le plan d’action est une obligation réglementaire, demandé par l’Union européenne. Clairement, la France (comme dix-sept autres États membres) avait pris du retard sur le sujet et la Commission européenne n’a pas manqué de nous rappeler cet état de fait. Parallèlement, la thématique espèces exotiques envahissantes monte clairement en puissance comme le montre la succession de nouvelles espèces découvertes récemment sur le territoire métropolitain (frelon oriental, écrevisse à pinces bleues, poisson-ballon…) et en outre-mer, et celles qui connaissent une forte dynamique (par exemple crassule de Helms, moule quagga, crabe bleu…). Enfin, il est nécessaire de coordonner les différentes structures et politiques publiques s’intéressant au sujet, puisque les espèces exotiques envahissantes sont une problématique sanitaire au sens large, qui questionne la notion de biosécurité. Dans le cadre du concept « one health – une seule santé », on met bien en évidence les liens entre santé de l’environnement, santé des élevages et plantes cultivées et santé humaine, tous ces compartiments étant impactés par les espèces exotiques envahissantes.
À ce jour, trois ministères (Écologie, Santé, Agriculture) sont mobilisés sur les espèces exotiques envahissantes en ce sens qu’ils disposent d’une réglementation spécifique. Le plan d’action permet donc à la fois de mobiliser toutes les parties prenantes du phénomène (filières socioprofessionnelles, administrations, gestionnaires, élus locaux, grand public…), de coordonner les politiques existantes, et de mettre in fine l’accent sur la menace la plus insidieuse pesant sur la biodiversité, puisque « incluse » en elle.
Qu’apporte-t-il de plus que les précédents programmes de lutte contre les espèces exotiques envahissantes ? Par rapport, notamment à la stratégie sur les espèces exotiques envahissantes lancée en 2017 par Barbara Pompili ?
Il faut considérer le plan d’action comme un approfondissement de la stratégie sur les aspects surveillance, prévention, communication, et surtout pas comme un substitut. La stratégie continue à vivre, parallèlement au plan. Elle comprend des thématiques peu ou pas abordées dans le plan et pourtant essentielles (gestion, recherche…).
Comment s’intègre-t-il, notamment, dans le plan national de gestion des écrevisses exotiques qui est en cours d’élaboration depuis au moins 4 ans ?
La stratégie nationale de gestion « écrevisses » porte, comme toutes les stratégie nationale de gestion, sur les espèces largement répandues et réglementées en tant qu’espèces exotiques envahissantes. C’est aussi une obligation du règlement européen de 2014.
Les stratégies nationales de gestion, comme leur nom l’indique, sont à destination principale des gestionnaires de sites et leur fournissent des techniques de gestion éprouvées en fonction des situations rencontrées. On se situe ici sur un registre différent de celui du plan d’action, in fine en aval des actions de prévention et de gestion de populations émergentes; le but étant d’éviter, autant que faire se peut, la colonisation complète du territoire par des espèces qui sont déjà largement présentes.
Qui doit définir ces « 500 opérations coup de poing » ? Que signifie « coup de poing » dans ce cas-là ?
Dans l’esprit de la secrétaire d’État à la biodiversité, et en lien avec ce qui précède, il est nécessaire de mettre l’accent sur certains sites pour éviter des propagations secondaires (par exemple sur des bassins versants), restaurer des activités économiques mises à mal par les espèces exotiques envahissantes (exemple : la navigation fluviale), éradiquer des espèces émergentes qui pourraient coloniser d’autres sites.
Les moyens financiers sur les espèces exotiques envahissantes restent à la fois faibles et éparpillés au regard des enjeux; ces opérations permettent d’augmenter ceux-ci et de concentrer l’action sur des territoires prioritaires : il est en effet essentiel d’éviter une collection d’actions sans lien territorial les unes avec les autres, mais d’inscrire celles-ci selon une réflexion espèces / espaces prioritaires.
Le dispositif reste à construire sur le plan fonctionnel, les services du ministère de la Transition écologique et de l’Office français de la biodiversité y travaillent actuellement.
Quel est le budget total sur la durée total de ce programme ?
Le plan d’action est prévu pour une première période 2022-2030, avec une révision à 5 ans; contrairement à la stratégie espèces exotiques envahissantes qui avait été construite sans durée définie. 2030 correspond à la date butoir de la stratégie nationale biodiversité, dont la secrétaire d’Etat a annoncé récemment la parution d’un premier socle de mesures, les espèces exotiques envahissantes en faisant bien évidemment partie.
Il ne dispose pas d’un budget spécifique, mais s’appuie sur les différents financements existants (État et opérateurs, collectivités, Europe,…) qu’il a vocation à faire converger sur les actions proposées.
Propos recueillis par