Les saumons atlantiques (Salmo salar) voient le jour au début du printemps, dans des gravières, en eaux fraîches des hauts de bassin qui ont vu naître leurs géniteurs. Leur séjour dans ces eaux douces va se prolonger de 1 à 2 ans. Ils sont alors « tacons ». Quand ils atteignent une taille d’environ 20 cm, ils deviennent « smolts », se parent d’une livrée argentée, et entament, en groupe, leur migration, d’avril à mai, en direction des eaux salées.
L’Océan atlantique rejoint, les uns se dirigent vers l’Irlande, puis les îles Féroé, plus au nord, d’autres gagnent les eaux à l’ouest du Groenland. Ils passent de 14 à 36 mois en mer, puis reprennent le chemin des estuaires de leur rivière natale – phénomène appelé « homing » – se guidant aux étoiles, au soleil, au magnétisme terrestre et faisant appel à leur mémoire olfactive.
Les plus jeunes d’entre eux, appelés castillons ou madeleineaux, mesurent de 50 à 75 cm, et pèsent de 1,5 à 4,5 kg. Ils remontent les cours d’eau entre mai et juillet. Leurs aînés d’un an, d’une taille comprise entre 70 et 90 cm, pour des poids de 3 kg à 7,5 kg, migrent, eux, entre mars et juillet. Les saumons de 3 ans, de 85 à 115 cm, d’un poids moyen de 9 kg, entament leur retour « aux sources » dès novembre. Les zones de frayères sont, pour les uns et les autres, atteintes entre novembre et janvier. La reproduction peut commencer.
Populations en recul
La construction, au XIXe et au début du XXe siècles, de nombreux barrages infranchissables entravant les accès aux zones de frayères, donnait le coup d’envoi à la régression des populations. Les pêches intensives, au large du Groenland et des Féroé, les qualités sanitaires et physico-chimiques des eaux douces jouaient les mêmes rôles néfastes. Dès 1975, la France définissait un plan de sauvegarde du saumon. Trois ans plus tard, la pêche du migrateur était interdite sur le bassin Garonne-Dordogne. Elle fermait sur la Loire en 1994.
Pour l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le saumon est, depuis 2010, une « espèce vulnérable », et, figure toujours, en 2019, sur la liste rouge.
Barrage de Saint-Laurent-des-Nouans, sur la Loire, équipé d’une passe à poissons ©N. Porcher
Pêche au compte-goutte
Là où elles sont encore autorisées, en mer et en eau douce, les captures de saumons font l’objet de quotas et sont encadrées dans le temps. C’est le cas en Adour, dernier bassin français ouvert à la pêche professionnelle maritime et fluviale. Moins d’une vingtaine de marins et autant de pêcheurs fluviaux s’y adonnent, entre la mi-mars et fin juillet. Bon an mal an, les pêcheurs fluviaux en remontent entre 150 et 400. Chaque capture est déclarée sur une fiche de pêche destinéeà l’Office français de la biodiversité (OFB). Chaque spécimen est également marqué au moyen d’une bague numérotée et à usage unique, et est ensuite déclaré au Centre national d’interprétation des captures de salmonidés (CNICS). La déclaration au CNICS implique de compléter un feuillet déclaratif spécifique et de prélever de 10 à 30 écailles sur chaque individu. Cette procédure complémentaire est obligatoire et contribue à préciser l’état de la population du bassin sur la base des caractéristiques biologiques des individus déclarés.
En fin de campagne, un bilan est effectué auprès de chacun des professionnels, un travail mené, depuis 2014, par le Conapped en concertation avec le CNICS, l’OFB et l’AAPPED Adour et cours d’eau côtiers.
En juin 2019, à la suite d’un recours déposé par les associations de pêcheurs de loisir, le tribunal administratif de Pau enjoignait le préfet des Pyrénées-Atlantiques de prendre, dans les six mois, un arrêté interdisant la pêche au saumon dans le port de Bayonne, à l’embouchure de l’Adour, une mesure touchant les marins pêcheurs et les pêcheurs de loisir.
Par ailleurs, la gestion de la pêche du saumon par total autorisé de capture (TAC) est appliquée à la pêche de loisir, sur les cours d’eau de Bretagne, de Normandie et d’Artois-Picardie pour garantir une reproduction suffisante des saumons sans mettre en danger la population.
Laborieux repeuplements
Des programmes de repeuplement sont menés sur l’ensemble des bassins hydrographiques. En 1993, 2 140 000 alevins ou de très jeunes saumons, nés en pisciculture, étaient déversés sur le Rhin, les cours d’eau du Massif armoricain, la Loire, la Garonne-Dordogne et les Gaves du bassin de l’Adour. Chaque année, la Garonne-Dordogne se repeuple d’un million d’œufs et de tacons. En près de 20 ans d’existence, la salmoniculture de Chanteuges, en Haute-Loire, plus grande pisciculture d’Europe, en a remis à l’eau quelque 28,5 millions.
Entre 1993 et 2017, sur la Garonne et la Dordogne, 15 000 saumons de retour ont été comptabilisés aux différentes stations de contrôle, soit une moyenne de 625 par an. Chaque année, entre 500 et 1000 saumons remontent les cours d’eau du bassin de la Loire.