Le garum, condiment à base de jus de poissons, était prisé des Romains. Thierry Bouvet, pêcheur professionnel sur la Loire, le réinvente à sa sauce.
« Un restaurant gastronomique de Tours dresse ses tables avec sel, poivre et garum » lâche avec gourmandise Thierry Bouvet, pêcheur professionnel à Tours. Il est au salon international de l’agriculture, édition 2020, pour présenter son condiment de fabrication maison.
Antique condiment
Son nom sonne latin. La tradition culinaire lui attribue volontiers une origine romaine, mais il pourrait également remonter à la Grèce archaïque du VIIe siècle avant J.-C. « On nomme garum, une espèce de liqueur fort recherchée. On le prépare avec des intestins de poisson et d’autres parties qu’autrement on jetterait. On les fait macérer dans le sel, de sorte que c’est le résultat de la putréfaction de ces ingrédients. Le meilleur se fait avec le maquereau… » écrit Pline l’Ancien, écrivain et naturaliste romain du 1er siècle après J.-C. Thierry Bouvet le confectionne, lui, avec les poissons qu’il pêche en Loire, entre Amboise et Tours.
« L’idée de faire du garum m’est venue en 2013 lorsque je découvrais la pêche professionnelle avec les pêcheurs tourangeaux. Même sans être le meilleur des pêcheurs, la perspective de pouvoir valoriser toute ma production m’a incité à m’installer en 2014 » explique le pêcheur, 57 ans aujourd’hui, géographe de formation et longtemps travailleur social.
Mise sur le marché
En janvier 2020, après expérimentations de fabrication et tests de dégustation, son garum de Tours, « élixir de Loire », comme il le surnomme, était fin prêt pour être commercialisé. Des chefs tourangeaux l’ont adopté, des épiceries fines le référencent, des amaps le vendent en vrac. Poissons et sel marinent un an. C’est tout, c’est simple ou presque et efficace. Le « nectar » est filtré en sortie de fûts. « Avec trois tonnes de poissons, j’obtiens presque 1 000 litres de garum. Et dans un second pressage après l’ajout de légumes et fermentation d’un an supplémentaire, j’extrais du métagarum, qui est aussi très bon » précise Thierry Bouvet.
Son objectif est de mutualiser les captures de poissons d’autres pêcheurs de Loire pour fabriquer ce liquide « de l’origine des civilisations » dans le cadre d’une coopérative. Perspectives de compléments de revenus toujours bonnes à prendre pour les pêcheurs en ces temps d’amenuisement de certaines ressources piscicoles.
À la table des gourmets
Marius Gavius Apicius (environ 25 avant J.-C.- 37 après J.-C.), gourmet de la haute société romaine sous les règnes des empereurs Auguste et Tibère, accompagnait volontiers ses huîtres d’une sauce confectionnée de jaunes d’œuf, de feuilles de livèche (plante aromatique voisine du céleri), délayée avec du garum, du vinaigre, du vin blanc, augmentée de miel et enfin battue avec huile d’olive et poivre. « Les Romains pensaient que le garum, également préparé avec des anchois, des bars, des silures, des thons et des murènes, excitait l’appétit et facilitait la digestion. » écrivait, Cécile Éluard-Valette, dans ses Grandes des heures de la cuisine française, ouvrage paru en1964.