Divers

Les silures, chasseurs de migrateurs

10 mai 2019

À la fin de l’été, après avoir séjourné en Loire moyenne, voire plus en amont, les mulets reprennent, en bancs, la direction de la mer. En septembre dernier, l’association agréée des pêcheurs professionnels en eau douce du bassin Loire-Bretagne filmait une horde de silures en action de chasse au barrage de Saint-Laurent-des-Eaux.

Traque en passe

À Golfech, sur la Garonne, les silures chassent, avec grand succès, les saumons adultes, dans la passe à poissons. Il n’est pas exclu que les observations faites en ce lieu de migration soient valables en d’autres passes et sur d’autres bassins hydrographiques.

Les silures ont le sens de la prédation facile. Ceux de Garonne ont, depuis quelque temps, pris l’habitude d’aller taquiner les saumons directement dans le canal d’amené de la passe à poissons du barrage de la centrale nucléaire de Golfech. En 2016, 14 des 39 saumons observés, là, au cours de leur migration de reproduction, ont fini dans la gueule des « ogres » des eaux douces. C’est l’un des constats dressés par une équipe de chercheurs du laboratoire d’écologie fonctionnelle et de l’environnement (EcoLab) de l’université de Toulouse, de l’association migrateurs Garonne-Dordogne (Migado) et d’EDF (recherche et développement). « Nous avons également noté que, depuis 2014, certains silures, chasseurs généralement noctambules, calaient leur période de traque quotidienne sur les plages horaires habituelles de passage, 8 h-17 h, des migrateurs. » explique Frédéric Santoul, enseignant chercheur à EcoLab, et co-auteur de l’article paru en avril 2018, sous l’égide d’EDF et de l’agence de l’eau Adour-Garonne, « Le saumon atlantique a un nouveau prédateur en eau douce ». Nombre de saumons, 3/4 d’entre eux, sont également attaqués à la sortie de la passe, mais « échappent aux silures » précise-t-il. Ajoutons pour la petite histoire naturelle que le migrateur passe pour être autrement plus agile que ses congénères piscicoles pour se défaire des « griffes » du gros poisson-chat.

Les silures observés dans la passe mesurent en moyenne 1,60 m, environ deux fois la taille des saumons.

Le boum du silure

En 1995, la caméra de la passe à poissons de Golfech détectait la traversée des trois premiers silures de son histoire. En 2007 et 2012, ils étaient respectivement 1134 et 956 à franchir le barrage. Et ils sont, peu ou prou, 600 à traîner, chaque année, leurs nageoires dans les parages. Des grilles interdisant leur intrusion dans le canal d’accès de la passe ont été installées. « Mais les conditions hydrologiques avec des débits importants, cette année, ne permettent pas encore d’évaluer leur efficacité » explique Frédéric Santoul.
En attendant, les silures, squattant la passe, finiront, cette saison encore, dans les filets de pêcheurs professionnels qui ont signé une convention avec EDF.
« Les populations de silures semblent se stabiliser sur la Garonne, depuis 2008, et sur les grands bassins hydrographiques plus largement » précise le chercheur d’EcoLab. Mais leur abondance et la voracité des bestiaux – les lamproies sont leurs proies, les frayères d’aloses les voient rôder, les pigeons assoiffés doivent se méfier… – continuent de susciter des interrogations sur l’intensité de leurs impacts sur les populations de poissons migrateurs, dont les effectifs, sur la Garonne notamment, ne sont pas au meilleur de leur forme. « Et il est fort probable que ce que nous avons observé à Golfech se passe ailleurs » conclut Frédéric Santoul.